22 juillet 2006
Oui, je sais, je vous ai un peu délaissé ces derniers temps, puisque mon rythme a passablement fléchi. À ma décharge, il est bien évident que les nouveautés se font plus rares…et il faut également dire qu’un de mes collègues était ici pour un petit deux semaines, alors j’ai un peu abusé de sa présence car il est fort sympathique. Bref, Je n’ai pas eu beaucoup de temps pour écrire ma chronique de l’étranger.
En gros, la fin de semaine du 7 j’étais supposé aller visiter la région du Sine Saloum avec deux amies trifluviennes – la très jolie Marie-Eve et la non moins délicieuse Dorothée, deux étudiantes en médecine qui sont venues visiter Dakar dans le cadre d’un projet universitaire. Pour faire une histoire courte, elles ont passé 3 semaines en brousse et commencent maintenant 3 semaines dans un hôpital de Dakar. Elles étaient en brousse depuis une semaine, et nous nous étions donné rendez-vous à Jola, qui est à l’orée du Sine Saloum. Le Sine Saloum est une région réputée pour sa beauté et ses mangroves.
Le vendredi soir, vers 18h30, je quitte donc Dakar en taxi-brousse. Le taxi-brousse est en fait une voiture familiale qui embarque 7 passagers à un coût qui défie toute compétition (sauf celle de www.alternativauto.ca, qui répond à tous vos besoins en covoiturage. De Dakar à Jola, embarque avec AlternativAuto.ca ! – ça c’est une plug publicitaire gratuite, parce qu’en fait y sont au Canada, pas au Sénégal). Le véhicule en tant que tel n’aurait probablement pas le droit de rouler au Québec. Enfin, j’arrive à la gare routière de Pompier, où des dizaines et des dizaines (pas loin de 100) de taxi-brousse sont alignés, distribués par lieu de destination. Je fini pas trouver le taxi qui fait Mbour et Jola. Wouin, la voiture est pleine et il ne reste qu’une place à l’arrière. Les deux Trifluviennes m’ayant averti sur l’inconfort intrinsèque des places à l’arrière, j’hésite, je dis que je vais prendre le suivant…mais le chauffeur veut partir, alors il me vend 2 places en arrière, et sort un gars qui était assis là. Je m’installe donc, les genoux pris entre mon menton et le siège d’en avant, et à peu près incapable de bouger mes jambes de plus de quelques centimètres de chaque côté – évidemment, la fille qui est assise avec moi en arrière considère le siège supplémentaire que j’ai acheté comme étant le sien à part égal, alors elle n’hésite pas à prendre ses aises. Mais bon, on pardonne beaucoup à une jolie femme. Je m’attends à rouler pendant environ 1h30 pour plus ou moins 80 km, parce qu’il y a beaucoup de trafic à la sortie de Dakar.
Le véhicule part donc, et on avance péniblement sur l’unique autoroute.
C’est bumper à bumper pendant environ 1h…il fait chaud et je me transforme en fontaine ambulante. Évidemment, étant en arrière je n’ai pas de fenêtre ouverte, alors je dois compter sur le vent créé par le mouvement du véhicule pour me rafraîchir. Dans le trafic, y a pas de vent. C’est pénible, mais bon, j’ai ma bouteille d’eau (devenue chaude), un cellulaire et un guide du routard pour me désennuyer. Je m’amuse donc à envoyer des messages textes hyper longs à mes trifluviennes, question de m’occuper et de les aviser de ma position actuelle.
Soudain, mon téléphone sonne. C’est l’une de mes deux copines qui me dit que Dorothée est malade, et on craint pour le paludisme. Que faire ? Après 1h30 de route, je suis à Pikine, un quartier éloigné de Dakar…je réponds que dans tous les cas, je n’ai pas vraiment le choix de me rendre. Un peu plus tard, elle me rappelle pour me dire qu’on va aller à Saly à la place, où on peut avoir de bons médecins et où le frère d’une amie a une villa magnifique sur le bord d’une mer superbe. Saly étant sur le chemin, c’est cool. J’arrive à Saly vers 21h30, un peu tanné de ma ride et très courbaturé.
La nounou de la maison ayant préparé un repas pour les enfants de la famille (les enfants sont là mais pas les parents), on nous donne un délicieux souper qui, à cette heure tardive, est plus que le bienvenu puisque je n’avais rien mangé avant de quitter Dakar. Le reste de la fin de semaine se passe plutôt bien, sauf pour Dorothée qui, après avoir consulté un médecin, apprend qu’elle doit retourner à Dakar pour faire faire les tests, qui s’avèreront heureusement négatifs. Elle passe donc sa journée du samedi en voiture entre Dakar et Saly...et comme le lendemain d’autres personnes devaient s’installer dans la villa, nous avons dû partir tôt dimanche, elles au village où elles travaillaient dans un dispensaire, moi dans mon appartement du Plateau.
Le samedi suivant (le 15), mon collègue et moi décidons d’aller à Gorée puisque c’est sa seule fin de semaine et qu’il n’y a jamais mis les pieds.
On arrive donc au débarcadère et on attend dehors parce qu’il est 14h et il fait très chaud. Un homme nous aborde :
- Bonjour, avez-vous besoin d’un guide pour visiter l’île ?
- Non, pas vraiment, c’est la troisième fois que j’y vais
- Oui mais je peux tout vous expliquer
- Non merci
- Je fais des dessins aussi
- Et bien bravo, moi je fais de la sculpture sur beurre (apparté : je fais
effectivement des sculptures dans un bloc de beurre cylindrique dans un resto de Dakar – c’est trop tentant – et on détruit l’éphémère chef-d’œuvre qui complète son destin sur nos morceaux de pain)
- Pardon ?
- Oui, de la sculpture sur beurre, c’est très populaire en Suède, car il
fait froid et le beurre reste dur
- Ici tu fais ça où ?
- Dans des endroits spécialisés, en général il fait trop chaud et le beurre
fond rapidement.
- On pourrait travailler ensemble…
- Non, pas vraiment, c’est un art très individualiste parce qu’il faut
réussir à transcender le beurre et le métamorphoser pour qu’il projette un idéal vraiment personnel. Travailler à deux, ça contaminerait l’œuvre.
- Ha oui, je comprends. C’est difficile ?
- Oui très. Surtout quand le bloc de beurre est gros, à ce moment là il faut
utiliser une scie à chaîne.
- Ha d’accord. J’aime beaucoup les beaux-arts. La sculpture, c’est
dangereux.
- Oui, c’est sûr qu’il y a toujours le risque de se prendre une écharde de
beurre. Très douloureux.
Sur ce, on a quitté le gars parce que je n’étais plus capable de conserver mon visage sérieux, et je ne voulais pas qu’il se rende compte que je me foutais de sa gueule, pendant que Simon regardait le sol en se serrant les lèvres.
Le reste des deux semaines a été somme toute assez tranquille. Je peux toutefois vous raconter une petite anecdote qui témoigne que je n’ai pas encore pris les accents locaux. Mardi dernier, mon collègue et moi décidons de nous louer un film afin de le visionner sur mon mur – l’avantage d’avoir un projecteur. Nous nous commandons du Libanais, en signe de solidarité internationale. J’appelle donc au Restaurant Layal.
- Layal, de répondre une voix féminine
- Oui bonjour, ce serait pour une commande
- D’accord, je voudrais une entrée de feuilles de vignes, un taboulé, et
- Pardon ?
- Une entrée de feuilles de vignes, un taboulé, et
- Désolé, je ne comprends pas, vous voulez un poulet entier ?
- Non, la salade de taboulé. TA-BOU-LÉ
- Un instant, me dit-elle
- …
- Je peux vous aider ?, me demande une voix masculine
- Oui bonjour, je voudrais une entrée de feuilles de vignes, un taboulé
- Un poulet entier ?
- Non, un taboulé. Vous savez la salade avec persil, menthe, huile, etc.
- Un instant je vous passe le cuisinier
- …
- Oui bonjour ?
- Oui, je voudrais une entrée de feuilles de vignes, un taboulé…
- Un taboulé, d’accord
- Ha super, généralement c’est ici que ça bloque
- Pardon ?
- Laissez tomber. On va aussi prendre…
Le reste de la conversation peut sombrer dans l’oubli puisque le cuisiner, un Libanais (les deux autres étaient sénégalais) me comprenait
J’accompagne ce court message de trois photos : la première est un taxi brousse que j’ai posé à partir de mon taxi-brousse, et la seconde est une photo de moi sur la plage de Saly, et la dernière un coucher de soleil sur la route Saly-Dakar.
En terminant, je vous laisse sur un proverbe sénégalais:
thine bou naré nekh sou bakhé khègne
(prononcez Tchin bou naré nerr sou barrhé rrègne (le kh ressemble au j en espagnol - c'est un peu rapeux dans la gorge)
Traduction littérale : les émanations odoriférantes d'une marmite en ebullition préfigure la succulence du mets en préparation Sens propre : les fruits tiennent la promesse des fleurs
Anecdote afghane
Il y a 15 ans
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