mardi 30 janvier 2007

The Spirit of Saint-Louis

Samedi, 8h du matin...je me lève, les yeux encore tout encroustillés de ma nuit de sommeil, je me prépare et je file à l'anglaise. Destination ? Saint-Louis, dans le nord du Sénégal.

Après un court trajet en taxi, j'arrive à 8h45 à Pompier , la station d'autobus de Dakar qui permet de se rendre partout dans le pays ou presque...autobus? Deux choix s'ouvrent en fait à moi: les taxi-brousse à 7 places et qui sont en fait des voitures familiales, et les minibus à 14 ou 19 places. Dans tous les cas, il n'y a pas d'horaire fixe et je dois prendre ce qui part ou courir le risque d'attendre longtemps avant le prochain départ. Manque de pot, je rate le taxi-brousse et je dois me rabattre sur le minibus...à 14 places, remplir le véhicule c'est long. Le chauffeur me désigne le siège en avant...cool, ça va être confortable. Que nenni! Le siège avant consiste en 2 places, question de rentabiliser le trajet.

Une heure plus tard, c'est le départ. Le chauffeur se met sur le neutre et guide le véhicule pendant que 5 ou 6 gaillards le poussent. Lorsque le minibus a pris assez de vitesse, le chauffeur démarre et nous partons de bon matin, vers le nord. Quelques minutes me suffisent pour comprendre que mon trajet consistera essentiellement à identifier à quel endroit de mon tibia le tableau de bord pénètrera (ou, si vous préférez vous mettre dans la peau du minibus, à quel endroit du dash mon tibia sera désormais soudé) et ce, au grand dam de mon compagnon de voyage qui trouve que décidemment j'ai la gigote. Au premier arrêt (3h plus tard) servant aux passagers d'aller se soulager chez un habitant hospitalier, je "suggère" à mon voisin de changer de place puisqu'il est plus court sur pattes. Ceci me permettra sans doute de sauver ma jambe de l'amputation. Le voyage est parsemé d'arrêt plus courts qui permettent à 18 autres passagers de s'acheter de l'eau, des bananes, des oranges, des beignets, etc. À 14h45, soit 5h après le décollage, nous avons parcouru les 270 km qui séparent la capitale de Saint-Louis...soit la distance Montréal-Québec. Enfin, nous traversons le pont Faidherbe pour arriver en ville.

J'arrive donc à l'Hôtel du Palais où j'ai trouvé refuge à prix relativement modique (14 000 FCFA, ou 30$, la nuit) et où j'espère que les chambres seront propres. Première chose que je vois en arrivant est le chat du propriétaire avec une belle souris dans la gueule...hmm ça promet! La chambre est constituée de deux lits de camp et comporte une salle de bain. C'est propre, les draps sont propres et je ne rencontre aucune coquerelle durant tout mon séjour. Simple, propre, abordable. Quand je voyage seul je n'ai pas besoin de beaucoup de luxe.

Je prends le reste de la journée pour visiter la ville. Saint-Louis, fondée en 1659 et nommée en l'honneur de Louis XIII, est installé sur une île, sur le fleuve Sénégal, que nous considérerions minuscule (3km de long et 200-300 m de large) et est relié au continent par un pont unique construit en 1897 par Gustav Eiffel. Capitale du Sénégal, de la Mauritanie et de l'Afrique occidentale française à divers moments de son histoire, elle a été reléguée au 2 rang depuis 1958 lors Dakar a pris préséance grâce au commerce des pinottes. La ville est très belle avec son style colonial, mais a décidemment besoin d'entretien - la peinture s'écaille, des plaques de plâtre sont tombées, etc.

Sur le côté opposé au continent se trouve, reliée par 2 petits ponts, le village de pêcheurs Guet N'dar, avec ses 22 000 habitants concentrés sur 0,3 km carrés, une densité de population équivalente à celle de Calcutta! Ce village se trouve sur la Langue de Barbarie, une presqu'île qui s'étire sur environ 50km depuis la Mauritanie jusqu'à l'embouchure du fleuve Sénégal. La presqu'île, à la hauteur de Saint-Louis, doit faire au maximum 150 m de large. La plage serait belle si elle n'était pas jonchée de détritus et de têtes de poissons laissés là par la population locale. Pas question de se baigner ici! Je recontre un Sénégalais qui se dit le fils du chef du village et qui vient d'avoir 2 enfants. Hmmm bien sûr. Enfin, comme je veux prendre des photos je le suis et je fais le tour du village. À la fin du tour, il me dit qu'il doit faire une fête et veut acheter du riz...il a passé plus de 2h avec moi, alors je lui donne un 5000 (12$). Il repart bien heureux.
Pirogues de pêcheurs en partance pour le large

Séchoir de poisson - Les femmes cuisent le poisson avant de le faire sécher au soleil.
Il est ensuite destiné aux pays de la sous-région sans accès à la mer.

Le lendemain, je devais partir pour le Parc national du Djoudj. Malheureusement, mon guide (le proprio de l'hôtel) me choke dans les mains. Le réceptionniste m'en trouve un nouveau. Un guide sérieux, avec ses cartes du ministère du tourisme. Good. On va faire le Parc de la Langue de Barbarie le dimanche, et le Djoudj le lundi. Dans les 2 cas des Français sont sensés nous accompagner. Dans les deux cas je serai seul avec le guide, les autres ayant laissé tombé la randonnée...En chemin pour le parc de la Langue, il me parle des pseudos guides de St-Louis dont le père est le chef du village. Je rigole. Apparemment des touristes ont acheté pour 55 000 FCFA (130$) de stock à un de ces arnaqueurs. Une vraie fortune ici!

Anyway, toujours est-il que nous faisons le tour du Parc en pirogue jusqu'à l'embouchure. Nous arrêtons pour le lunch dans un campement, où apparemment une bonne partie des Français de St-Louis se retrouvent les dimanche, dont le Consul avec qui je discute rapidement.

Mon pied droit sur la Langue de Barbarie, face à l'Atlantique,
pointant vers Montréal et ses -20 degrés celsius...
Lundi, c'est au tour du Parc national de Djoudj d'avoir l'insigne honneur de me recevoir après 70 km de route dans un décor aride, semi-désertique: le lit du fleuve lorsque c'est la saison des pluies, le sol est recouvert de plaques blanches par endroit. Du sel, puisque l'eau est salée à cette hauteur du fleuve.

Autre parc, autre balade en pirogue..mais le Djoudj (prononcer Dioudge) est le 3e plus important parc ornythologique au monde et l'un des lieux les plus importants pour les oiseaux migrateurs européens. C'est le premier point d'eau d'importance après la traversée du Sahara. Par exemple, près de 30 000 couples de pélicans y élèvent leur petits avant de repartir pour le nord. Quelques minutes de pirogue après le départ, c'est l'attaque! Des millieurs de pélicans ayant fait leur pêche retournent à leur aire de nidification en volant à quelques mètres de la pirogue, imitant parfois les bombardiers en piqués, parfois des chasseurs volants en rase-motte. Cette impression est accrue par le petit Français qui crie "pan! pan! pan! voilà les Allemands, ils nous attaquent! takatakatak!" Le sentiment d'être un intrus dans cette couverture d'oiseaux est intense. Au travers du nuage de pélicans, on retrouve également des hérons, des cormorans, des aigles pêcheurs et quelques anhingas, ou oiseaux-serpents, et environ 400 autres espèces d'oiseaux. Ajoutez quelques phacochères (qui sont des cousins des sangliers) et quelques crocodiles (et même quelques rares pythons) et vous avez une bonne idée de l'environnement du Djoudj. Au retour le guide me fait visiter un village Peul, où résident 25 personnes (tous de la même famille - un mari, 4 épouses, 20 enfants). Les cases sont faites en roseaux ou en ciment et sont chacune d'une seule pièce. Chaque épouse a sa case et est décorée d'instruments de cuisine, ce qui représente la richesse de l'épouse. Ce village est bien situé, près d'un cours d'eau, ce qui lui permet de faire de la culture maraîchère et fruitière (mangues, papayes, oranges).


Pélican en instance de décollage dans le Parc du Djoudj

Scène du film "The Birds" d'Albert Hitchcock...
Essayez de prendre une bonne photo quand vos sujets n'arrêtent pas de se mettre entre la cible et la caméra! Maintenant, essayez de compter les pélicans mais attention! Des cormorans et des anhingas (ceux dont la tête sort de l'eau) sont cachés parmi eux! Vous pouvez aussi essayer de trouver Charlie.

Le retour à Dakar se fera cette fois-ci en taxi-brousse, de manière beaucoup plus confortable et surtout beaucoup plus rapide...à peine 3h30 pour le retour!

mercredi 10 janvier 2007

De retour à Dakar

Hé oui, je suis déjà de retour au Sénégal (ou enfin parti de Montréal, pour ceux qui ne pouvaient pas me sentir et pour mon frère chez qui je squattais et me laissais entretenir). Et comme à l'habitude, je ne peux pas prendre l'avion sans qu'il se passe de quoi...

Je passerai outre la question des menus d'Air France, qui m'ont pris au dépourvu entre Montréal et Paris puisqu'on offrait du boeuf à la Belge et des raviolis au fromage (mais où est le curry? et le poisson? et le poulet?)...évidemment tout le monde a pris les pâtes alors j'ai eu le boeuf, qui était quand même pas mal. Heureusement, entre Paris et Dakar c'était soit du poulet au cresson ou du poisson au curry...tout rentrait dans l'ordre. J'ai même pu avoir du Syra et du Cabernet-Sauvignon, vu que leur Merlot est pas terrible. Mis à part pour l'écran de TV qui marche toujours pas (chaque fois que je prend le vol Paris-Dakar mon écran marche mal...je pense qu'on utilise toujours le même appareil puisque j'ai toujours le même siège - 24C pour les intimes. Suspicion.

À Paris, alerte au colis abandonné dans le corridor. Après trois appels, le coli imite toujours Rémi et est toujours sans famille. Les autorités de l'aéroport, ne reculant en rien pour assurer la sécurité des voyageurs sans défense, a organisé une zone de sécurité d'environ 15 mètres autour du coli...disons qu'on espère que ce soit pas du sarin ou de l'anthrax. L'escouade de déminage arrive, la tension monte...tout le monde veut approcher et certains paniques parce qu'ils ne peuvent pas s'approcher des kiosque d'Air France pour avoir leur carte d'embarquement. Moi, zen, ayant ingurgité mon dernier McDo avant plusieur mois (Ça m'en prend un de temps en temps pour me rappeler pourquoi j'en mange pas souvent, et en plus ça stabilise l'estomac avant le vol grâce à la ptite sauce à Big Mac), je reste de marbre en regardant l'affaire. "Bouchez-vous les oreilles" de crier un policier, puis BANG! Rémi explose! "Halala, de dire une jeune femme, ça a à peine fait plus de bruit qu'un pétard mouillé". Reste que Rémi est plutôt mal en point suite à son rendez-vous avec la mort: le coli contenait en fait des bouteilles de vin rouge, et le contenu s'est déversé sur le sol comme de l'hémoglobyne. J'ai enfin su comment la série qui a bercée mon enfance s'est terminée...

Arrivé à l'appart, tout va bien: le gardien m'aide à monter mes valise (qui ne pèsent presque rien vu que la majorité de ce que j'ai ramené à Montréal, c'était des cadeaux), le frigidaire est enfin changé et refroidi sans coup férir mon eau et mon rhum. À terre dans la cuisine, je remarque le cadavre d'une coquerelle gisant sur son dos. Je teste ses réflexes, ils sont minimaux...je suppose que la pauvre bête est morte de faim, de soif ou d'épuisement car il semble que ça fait un bout qu'elle est là - elle est entourée de résidus noirâtre jonchant le sol, et que je suppose être des excréments, ou dit plus simplement du caca d'cafard. Dégueu. Quelques heures plus tard, une seconde coquerelle va faire son apparition, celle-ci pétante de santé. Comme elle était collée sur le four, elle a pu fuir ma vindicative semelle...je ne l'ai jamais revue. Triste...toutefois, ayant copieusement arrosé les alentours du four avec de l'insecticide, les chances sont bonnes qu'elle y ait trouvé le dernier repos.


La routine quoi!