1er mai 2006
Après avoir reçu quelques protestations de lecteurs me trouvant cruel de ne pas écrire davantage (avant que vous me traitiez d’homme peu modeste, je dois avouer que 2 personnes m’ont dit de telles choses sur 74), j’ai décidé de vous écrire immédiatement une anecdote vécue samedi dernier.
Nous étions allés souper, ma collègue et moi, dans un petit resto/bistro nommé le Sarrault, sur l’avenue Albert-Sarrault de Dakar. Charmant troquet il va sans dire, nous venions d’écumer une bouteille de Côte-du-Rhône (parce que le tenancier n’avait plus de St-Morgon ou ni de Brouilly). À la table à côté, 5 sénégalais festoyaient pour une raison inconnue.
La musique était forte, mais la voix de l’un d’entre eux l’enterrait de belle façon. L’individu, il faut bien le dire, semblait un tantinet gorlot.
Alors que nous mangions, elle son kedjenou au poisson grillé, moi ma sauce feuilles (qui, comme tout le monde sait, est préparée avec du bœuf, du poisson fumé, oignons et épices mais surtout, et c’est que qui fait son charme, des feuilles de mboro-mboro écrapous, ce qui donne une délicieuse bouette qui se mange avec du riz, de l’atiéké (une sorte de couscous sénégalais), ou des alokos (bananes plantains), sa voix écrasait nos discussions, ce qui fit en sorte que nous nous taisâmes et que nous l’écoutâmes. D’ailleurs, ils nous ont souhaité plusieurs fois bonne appétit et ils ont également demandé ce que c’était. Après identification, ils ont marqué leur approbation que c’était bon ça.
« Le Sénégal est un pays Wolof ! Les Serer sont de Mauritanie ! Ils sont du Mali ! Qu’ils y retournent ! ». Hmm, douteux. Zieg Heil ! Zieg Heil !, dis-je doucement à ma collègue en faisant le discret salut nazi. Leur conversation, gouvernée il va sans dire par cet individu, continue vigoureusement dans un joli crescendo et lorsqu’elle atteint enfin son apogée, l’une des dames du groupe se retourne vers nous et s’excuse parce qu’ils sont bruyants. Pas de problème, protestons-nous d’une seule voix.
La conversation continue un certain temps, jusqu’à ce que le leader du groupe vient nous voir et nous offre le digestif parce qu’ils sont bruyants.
Nous reprotestons, mais à ce moment il nous identifie comme des Québécois.
Il se met alors à sacrer avec un accent sénégalofrançais, puis nous offre le champagne en disant qu’Il est le propriétaire. Nous refusons évidemment. Il fini par nous payer 2 Armagnacs. Il nous raconte alors avoir passé 9 ans au Québec, qu’il a été au CEGEP Marie-Victorin pour faire sciences pures, puis Université Laval pour le génie civil. Il nous avoue que la principale chose qui lui manque est la poutine, et me demande quelle sorte de fromage est utilisée, de l’emmenthal ? Non, rétorquai-je, du fromage en crotte. Devant son air dubitatif, je renchérie : du fromage qui fait squoui-squoui. Ça ne marche pas. Je pourrais lui dire de prendre du fromage mozzarella râpé, mais comme ça fait une poutine disgracieuse, comme ils en font au Canada anglais, je me tais. Il part alors sur une lancée comme quoi le Québec est la province la plus riche du Canada, grâce aux barrages de La Grande, et à l’eau qui, dans 20 ans, fera de nous les arabes d’Amérique du Nord.
Chaque fois que j’essaie de placer un mot, il me dit « laisse-moi finir ! » (note amusante : ma collègue aussi fait ça, mais sans avoir besoin d’alcool ). À un moment donné, il me prend la main et se met à l’embrasser.
Merde, me dis-je, il est gay. Non pas que j’ai quelque chose contre les gays, vous savez bien, mais ceci tant qu’ils ne s’en prennent pas physiquement à moi. Il continue sa diatribe sans se rendre compte combien je suis mal à l’aise et que ma collègue rigole. Il se tourne alors vers elle et l’amène danser (il n’y a évidemment pas de plancher de danse et on est en tout 7 personnes dans le bistro/resto, plus le serveur et la serveuse). Il m’appelle, je résiste, ma collègue en rajoute. Je me vois forcé de me lever et de faire semblant de danser 5 min. Nous allons nous rasseoir…éclusons nos verres en vitesse, payons la note et nous levons. Nous disons adieu au groupe. Évidemment, notre nouvel ami se lève et m’embrasse longuement (sur la joue, heureusement). Il me lâche, se revire vers ma collègue et l’embrasse plus longuement encore. Une chance que je ne suis pas un gars jaloux ! Enfin, il nous demande nos numéros, je lui réponds que je n’ai pas de portable (ce qui est éminemment faux), et nous prenons la poudre d’escampette.
Bref, premier apprentissage culturel : ici, l’homosexualité est illégale sous peine de prison. Toutefois, il n’est pas rare de voir des hommes se tenir par la main ou s’embrasser en public. Intéressant, mais je crois que je vais rester fidèle à mon tempérament partiellement anglo-saxon (environnement oblige) et tenter d’éviter ce genre d’expérience trop souvent…
Anecdote afghane
Il y a 15 ans
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