samedi 17 février 2007

La rase campagne

La campagne présidentielle a été amorcée depuis deux semaines au Sénégal, mais c'est le calme plat à Dakar...Pas de manif, pas d'émeute, pas de chasse à l'homme, pas de couvre-feu, pas de tirs de mitraillette. On pourrait être à Hérouxville que les passions ne seraient pas plus intenses.

Oui, les discussions politiques accaparent une bonne partie de la journée de travail et des soirées des Sénégalais. Oui, les affiches sont souvent arrachées, la colle à peine sèche. Je me serais attendu à plus d'action...surtout après le message de panique de l'ambassade dont je vous parlais il y a déjà une semaine. Remarquez, on n'a qu'à ouvrir le journal pour se rendre compte que ça brasse un peu plus en région: "Le meeting de Landing dispersé à Thiès", "Un militant poignardé à Diourbel", "Deux maisons de responsables socialistes brûlées à Guinguineo"...

Ou encore ce jeune homme qui se fait trancher les doigts d'une main, par un agile coup de machette, lors d'une rixe entre les partisans de deux candidats, sur le terrain de foot qui allait en accueillir un troisième. Un peu de sang, donc, mais qui ne semble pas émouvoir la populace outre-mesure. J'imagine qu'ils sont bien contents de vivre au Sénégal et non en Guinée, où 123 personnes se sont fait tuées depuis que le Président a mis son couvre-feu lundi dernier, et tente par tous les moyens de sauver sa Présidence (dictatoriale), attaquée de toute part par les divers syndicats du pays (d'ailleurs en grève générale illimitée).

Remarquez ici, contrairement à notre démocratie pure et saine, les débats de fond font place aux attaques personnelles et démagogiques...imaginez, c'est comme si nos politiciens se traitaient de drogay (quand même, qu'est-ce que je suis fort) ou de mouton incompétent, ce qui serait inconcevable. Il faut dire que comme les 15 candidats disposent de 5 min de message télévisé par jour, on peut s'attendre à ce qu'ils procèdent à une série d'attaques afin de ne pas avoir à défendre leur plate-forme électorale.

Enfin, selon mes collègues sénégalais, les candidats vont tranquillement se diriger vers Dakar pour terminer la campagne ici. J'imagine que la semaine sera plus excitante et que les messages de l'Ambassade vont s'accumuler dans mon courrier indésirable.

De mon côté, c'est la routine habituelle. En fin de semaine dernière, j'ai accueilli mes deux travailleuses sociales qui remplacent mes regrettées Triflus. Elles le font d'ailleurs très bien. Pour leur faire plaisir, je leur ai fait un dîner à la québécoise (belle poutine avec simili fromage en grain - edam coupé en dés - dont la principale lacune était l'absence de skoui-skoui sous la dent), et un souper classique: un Pad Thai, plat thailandais par excellence, préparé par 3 Québécois en sol africain avec des arachides sénégalaises, des pâtes de riz viet-namiennes et des champignons de Paris provenant des Pays-Bas, le tout mélangé dans un grand bol Made in China, et arrosé de vin italien ou sud-africain et accompagné de pain français acheté dans une boulangerie libanaise. On est internationaux ou on l'est pas. Faut s'assumer! J'imagine que c'est ça, la mondialisation à l'échelle individuelle. La veille on avait d'ailleurs aussi arrosé la soirée un peu trop, et partagé l'ataya (le célèbre thé à la menthe (ou nana) sénégalais à trois services, dont le premier est amer comme la mort, le deuxième fort comme la vie, le troisième doux comme l'amour, comme on dit ici) avec le gardien de nuit de mon bloc.

J'ai aussi eu l'indicible plaisir de recevoir mon boss cette semaine, ce qui nous permet d'avoir des discussions pseudo-philosophiques sur les impôts et les femmes (et parfois séparément) en marchant dans la rue, tout en tentant d'éviter les voitures et les mobilettes, et en faisant d'élégants pas de danse afin de ne pas recevoir un coup de miroir d'un taxi qui passe trop proche...ou de regarder en passant ces fidèles qui, assis sur leurs tapis de prière de manière à bloquer entièrement une petite rue, lisent leur coran à 2 pas d'une grande artère archibondée où les vendeurs de babioles tentent de refiler aux touristes naifs des objets achetés à bas prix dans les magasins chinois, ou d'originales sculptures faites à la main qu'on peut trouver dans toutes les boutiques à ciel ouvert. Scène surréaliste, certes, mais qui fait partie du quotien dakarois.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Puisque tous s'entendent au sujet qu'une image vaut mille mots, où sont donc les photos ???

Anonyme a dit…

Je seconde... dis-moi pas que t'as déjà perdu ta caméra!!

Anonyme a dit…

"Je leur ai fait un dîner à la québécoise [...] J'imagine que c'est ça, la mondialisation à l'échelle individuelle."

J'ai adore ce passage; bien reel et tout autant caricatural :)

ms

Etienne "Mamadou Gaindé" a dit…

Ben non j'ai pas perdu ma caméra, c'est juste que ma nouvelle est un peu plus grosse et moins discrète...je vous promets d'essayer de mettre qq photos la prochaine fois.

Anonyme a dit…

Drôle que pour ton anniversaire, tu nous fasses cadeau d'un nouvel épître parfaitement savoureux. Voilà encore une preuve de ta grande générosité. Merci de bloger pour notre plus grand plaisir.

Et puis ta vue de l'Afrique est beaucoup plus colorée que celle que j'ai de la Suisse! Genève étant la ville de Calvin... on n'y rigole pas tous les jours!

Lucie

Anonyme a dit…

Pis, comment ça se passe la campagne électorale? Ya toujours pas trop de blessés dans ton coin?

Anonyme a dit…

Nous manque juste des Photos de celles qui ont remplacés tes Triflus

Loloutre